samedi 11 juin 2016

Critique de livre : Le Portrait de Dorian Grey


L'histoire par elle-même et pour elle-même vaut largement le détour. 

Il s'agit d'une idée de génie dont Oscar Wilde a tout à fait conscience à mon humble avis. Ne dit-il pas lui-même à la douane lorsqu'il se rend aux Etats-Unis : « Je n'ai rien d'autre à déclarer que mon génie » ?

Je lui reprocherais néanmoins d'intellectualiser parfois un peu trop son discours, frôlant la dissertation, en voulant le faire passer pour des conversations ou des méditations intérieures. J'aurais également aimé que Wilde pousse plus loin les limites du pouvoir du portrait, qu'il nous montre plus en détails quelles actions de Dorian avaient un effet sur lui, quelles altérations physiques lui étaient épargnées. Je trouve que les années sont passées trop vite, ne nous laissant qu'imaginer l'impact de la lecture de Dorian sur son mode de vie et de penser, effaçant le chemin parcouru pour ne nous montrer que la destination...

En ce qui concerne le personnage de Dorian Gray, bien que son histoire le rende attrayant, j'ai néanmoins été déçu par la façon ingénue dont il s'exprimait tout au long du roman. Au début, on comprend très bien qu'il s'exprime ainsi parce qu'il est jeune et candide mais cela persiste alors même qu'il s'est corrompu. Or, si le corps reste inchangé grâce au portrait, il n'en est pas de même pour son âme et sa façon de s'exprimer ne devrait pas se calquer à son apparence mais plutôt rendre compte du changement intérieur. Ne soyons pas catégorique, il y a bien des prises de positions chez Dorian qui démontrent l'influence de la vie qu'il mène et de son corrupteur. Au sujet de ce dernier, heureusement que l'existence de Lord Henry vient tout rattraper. S'il est celui qui corrompt l'âme de Dorian, il n'est pas ce que l'on pourrait appeler un être profondément mauvais comme nous le montre le portrait de Dorian Gray au sujet de son modèle original. Lord Henry est un personnage frappé par un mal qui est commun à tout être humain : l'ennui. C'est bien l'ennui qui le pousse à tenir des discours pleins de paradoxes, si provocants mais si distrayants.

À mon sens, Lord Henry reste le personnage le plus fascinant du roman, ce personnage « tout à fait charmant et horriblement démoralisant » qui se fait « un principe d'être en retard sous prétexte que la ponctualité vous vole du temps ». C'est, d'autre part, dans sa bouche que Wilde glisse la célèbre phrase qui change au gré des traductions : « la seule manière de se défaire de la tentation, c'est d'y succomber ».

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